Alors que les guerres napoléoniennes ensanglantent toute l’Europe, l’Empereur interdit les duels dans les rangs de sa Grande Armée afin d’économiser ses forces vives. Bravant cette interdiction, deux hussards aux tempéraments diamétralement opposés s’affrontent pour une obscure affaire d’honneur. Un premier duel qui sera suivi de beaucoup d’autres combats, parfois homériques, qui les rendront célèbres. Les lieutenants Féraud et d’Hubert, nos duellistes, ont beau occuper un rang similaire au sein de la Grande Armée, ils n’en sont pas moins radicalement différents. Féraud, homme du peuple, est fougueux, querelleur et porté sur la boisson. D’Hubert, issu de l’ancienne noblesse, est flegmatique et discipliné. Ce qui semble leur unique point commun sera à l’origine de la longévité de leur discorde : ce sont tous les deux de très fines lames qu’aucun duel ne semble pouvoir départager.
Mais leur talent de bretteur est-il vraiment leur seul point commun ? Renaud Farace a étudié la psychologie et celle de ses personnages est au cœur de l’intrigue. L’opposition entre les deux hussards n’est pas si tranchée qu’on pourrait le penser car il y a un peu de la fougue de Féraud en d’Hubert ou de la constance de d’Hubert en Féraud. Et il y a ce sens de l’honneur qui les pousse à s’affronter dès que leurs chemins se croisent. Et ils se croiseront souvent ! Ennemis intimes, ils évoluent ensemble. L’un contre l’autre, certes, mais aussi l’un avec l’autre au sein de la même armée et face aux mêmes ennemis. Peu à peu, leur inimitié se mue en une estime réciproque, un respect mutuel qui pourrait bien s’apparenter à une forme d’amitié.
A l’étude des tenants et des aboutissants de cette rivalité complexe, s’ajoute une plongée réussie au cœur des guerres napoléoniennes. Le contexte historique est omniprésent puisque la carrière militaire des deux hussards est intimement liée à la querelle qui les oppose.
Farace distille habilement les informations qui explicitent les événements marquants de cette époque troublée sans jamais alourdir son propos. L’originalité du dessin accentue encore le réalisme du récit. Toujours très détaillé lorsqu’il s’agit des personnages et, notamment des uniformes des soldats, il se fait plus flou, presque détaché, pour rendre les décors. Réalisme et originalité sont les maitres mots de ce crayonné dynamique rehaussé de taches rouge sang lors des duels. Des duels dont l’auteur explore chaque facette : à l’épée, au pistolet ou au sabre, à pied ou à cheval. Que de façons de se démarquer employées vainement par Féraud et d’Hubert jusqu’à la surprise du duel final.
Librairie Privat, Toulouse – Audrey B.