Le Garçon sans nom ne parle pas mais il écoute, il apprend, il observe, il jouit.
Un tourbillon de mots qui nous envoûte, nous transporte vers une contemplation délicieuse.
A déguster doucement.
Coup de cœur de notre libraire Géraldine, Hall du Livre.
A la mort de sa mère, il érige, à sa demande, un grand bûcher pour sa crémation. Pourquoi pas, c’est normal pour lui qui n’a d’autres références que celle de cette femme. Il ne parle pas, ne sait pas lire, vit à l’instinct comme un animal. Après cette cérémonie, il sort de la forêt qui lui a servi de matrice, l’a nourri, aussi neuf qu’un nouveau-né. « Ce qu’il va gravir maintenant n’est rien de moins que la montagne de la civilisation. »
Il part sur les chemins et rencontre les hommes qui le feront travailler dur sans qu’il s’en plaigne ni se rebiffe. Là, première étape de sa nouvelle vie, il apprend à coucher dans un lit, à manger à table, le minimum de propreté. Etape de la petite enfance, nonobstant le dur labeur qu’il doit accomplir.
« Outre sa volonté et son ardeur, outre sa malléabilité, il a encore pour atout, non négligeable, de ne demander aucun salaire. Il ne se loue pas. Il ne se vend pas. Ils se donnent.
Eux se le partagent ».
Marcus Malte écrit sur la plage blanche du garçon un roman initiatique. Chaque rencontre importante le fera avancer dans sa vie d’humain. Il ne parle pas, est analphabète, mais c’est vraie éponge qui retient tout. Ce qu’il ne peut exprimer par des mots, il l’exprime par des gestes des attitudesLui qui était, dans sa forêt, indépendant devient, au fil du récit de plus en plus dépendant des autres, de la parole des autres.
« Tout lui manque assurément mais ceci plus encore : la parole. Celle de l’ogre. Ses récits, ses laïus, ses formules et ses maximes. (Regarde fiston, parce qu’un jour tu ne verras plus. Ecoute, parce que tu n’entendras pus. Sens, touche, goûte, éteins, respire. Qu’au moins tu puisses affirmer, le moment venu, que cette vie qu’on te retire, tu l’as vécue). Ou ne serait-ce que le son de sa voix. »
Ce sera encore plus criant lors de la maladie d’Emma, son grand amour.
Chaque fin de période se solde par une crémation. Rite nécessaire et normal « C’était ce que sa mère lui avait dit qu’il faudrait faire. ». Ainsi, il peut passer à l’étape suivante de son initiation, de l’éveil de l’homme qu’il devient.
Il ne fait pas bon d’être différent. Un tremblement de terre, c’est le garçon le responsable ; Un meurtre, encore lui. Heureusement, il y a de merveilleuses personnes qui l’aident qui l’accueillent et le considèrent comme un fils, comme un frère.
A chaque phase de la vie du garçon correspond un style d’écriture. Roman naturaliste dans la première partie, érotique dans la seconde, dur, martial dans la troisième, retour au naturalisme pour la dernière. Le tout mâtiné d’ironie légère. Il y a des accélérations, il y a de la lenteur pour mieux nous montrer les paysages, il y a de la poésie. et pourtant ce n’est pas le foutoir, non cher ami, tout est maîtrise du début à la fin de ce merveilleux roman d’initiation.
Marcus Malte sent bien, qu’à suivre le garçon, je perds la notion du temps, aussi, de temps à autre, il casse sciemment le rythme du livre en insérant des chapitres où sont écrits les évènements mondiaux importants ou pas qui se sont déroulés l’année en question.
L’épopée est émaillée de références musicales et littéraires. Le prénom de Félix vient de Mendelssohn « Romances sans paroles », Liszt, Guy de Maupassant, Victor Hugo, La Fontaine, le divin Marquis…
Dans le premier chapitre consacré à la guerre 14-18, Marcus Malte, avec quelque ironie écrit « Allons enfants » « Le Jour de gloire est arrivé » « L’étendard sanglant » « Entendez-vous mugir », cela ne vous rappelle rien ??
Une fresque, une épopée superbe. J’avais aimé « Garden of love » mais « Le garçon » est encore meilleur. Un livre coup de poing, un livre coup de cœur, malgré quelques longueurs, qui ne laissera personne indifférent. J’apprécie qu’un auteur puisse écrire des livres aussi différents avec autant de talent.